Mai 03, 2021 par Frédéric Dieu
Cette fusion a été prononcée sur le fondement du 1° du I de l’article L. 2261-32 du code du travail relatif aux branches comptant moins de 5 000 salariés. Cet article permet en effet au ministre du Travail d’engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues. Parmi les différents cas dans lesquels le ministre peut procéder à cette fusion figure celui dans lequel la branche dont la fusion est envisagée compte moins de 5 000 salariés.
Plusieurs organisations syndicales ont contesté cet arrêté : le Syndicat indépendant des artistes-interprètes (SIA-UNSA), l’Union nationale des syndicats autonomes Spectacle et Communication (UNSA-Spectacle et Communication), la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle – CGT (CGT du Spectacle) et enfin le Syndicat français des artistesinterprètes (SFA-CGT). Par une décision du 22 mars 2021, le Conseil d’État a rejeté l’ensemble de leur contestation, jugeant en particulier que le critère d’effectif et le critère d’analogie des conditions sociales et économiques étaient remplis.
Le critère d’effectif
Nous l’avons vu, lorsque la fusion est engagée sur le fondement du 1° du I de l’article L. 2261-32, la branche fusionnée avec une autre branche doit regrouper moins de 5 000 salariés. Or, s’agissant des effectifs de la branche des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision, les organisations syndicales requérantes faisaient valoir que ce critère n’était pas satisfait puisque, selon eux, la branche regroupait 7 882 salariés en 2017. Les organisations tiraient ce chiffre d’un décompte de l’organisme de retraite complémentaire de la branche « Audiens ». Aucune disposition n’est cependant venue préciser la façon dont l’effectif de salariés d’une branche doit être calculé. Dans ces conditions, le ministre a édicté ses propres lignes directrices en déterminant l’effectif à partir du nombre de salariés de la branche en cause, titulaires d’un contrat de travail au 31 décembre et
mentionnés dans la déclaration annuelle de données sociales renseignée par leur employeur. Le ministre a également retenu qu’il pourrait être recouru à une mesure alternative, consistant à calculer, pour la branche concernée, les effectifs salariés annualisés « en équivalent temps plein ».
De leur côté, les organisations syndicales requérantes soutenaient que les critères retenus par l’administration étaient structurellement inadaptés pour la branche des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision, leurs salariés étant employés par des CDD discontinus et de très courte durée et ne travaillant généralement pas le 31 décembre.
Ces arguments n’ont pas convaincu le Conseil d’État qui relève dans sa décision qu’en ce qui concerne l’année 2017, la moitié des salariés de la branche des artistesinterprètes engagés pour les émissions de télévision n’a travaillé que moins de quinze heures sur l’année et que plus des trois-quarts ont travaillé moins de cent-cinquantedeux heures sur l’année, soit l’équivalent de la durée légale mensuelle de travail. Le Conseil d’État en conclut que la majorité des salariés recensés par les organisations requérantes n’a ainsi relevé de la branche des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision que de manière très occasionnelle, même au regard des particularités de l’emploi des artistes-interprètes.
D’ailleurs, en appliquant ses propres lignes directrices, le ministre est parvenu à un effectif de 338 salariés seulement, bien moindre que celui de 7 882 salariés avancé par les organisations syndicales requérantes.
À cela s’ajoute que ces lignes directrices avaient été « validées » par les partenaires sociaux membres de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles, en particulier en ce qu’elles permettaient une mesure par équivalent temps plein annualisé.
Mais c’est bien en raison du caractère très et trop occasionnel de leur rattachement à la branche que le Conseil d’État refuse de prendre en compte les salariés concernés dans le calcul de l’effectif de la branche des artistes interprètes engagés pour les émissions de télévision.
Le critère des conditions sociales et économiques analogues
Sur ce point, les organisations syndicales requérantes mettaient en avant les conditions et modalités particulières de rémunération des artistes interprètes employés pour des émissions de télévision, particularité tenant à ce qu’ils perçoivent des compléments de salaires sous forme de droits voisins du droit d’auteur (droits de rediffusion et droits sur les cessions commerciales payés par les télédiffuseurs). Ce qui explique que les télédiffuseurs participent aux négociations de la branche des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision.
Il y a bien là une spécificité mais elle n’a pas empêché le Conseil d’État de juger que le ministre avait à juste titre estimé que la branche de la production audiovisuelle présente des conditions sociales et économiques analogues à celles de la branche des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision. Car cette modalité spécifique de rémunération, outre qu’elle ne concerne qu’une partie de la rémunération des travailleurs concernés et qu’une partie des travailleurs relevant de la branche, ne suffit pas à démentir l’existence de conditions sociales et économiques analogues entre ces deux branches qui relèvent toutes deux de la production audiovisuelle.
La décision du Conseil d’État relève ainsi qu’à l’exception des artistesinterprètes engagés pour les émissions de télévision, la branche de la production audiovisuelle recouvre l’ensemble des salariés contribuantà l’activité de la production d’émissions principalement destinées àune diffusion sur les antennes des services de communication audiovisuelle de télévision.
Or, parmi ces salariés figurent des salariés ayant également le statut d’artistes du spectacle au sens de l’article L. 7121-2 du code du travail, voire, s’agissant des musiciens, celui d’artistes-interprètes au sens de l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle. À cela s’ajoute que certains de ces salariés, tels les réalisateurs et les artistes musiciens relèvent d’annexes à la convention de la branche de la production audiovisuelle en raison également des spécificités de leurs conditions d’emploi et de rémunération.
De telles spécificités ne peuvent en conséquence faire obstacle à l’intégration des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision dans la branche de la production audiovisuelle.